mardi 5 avril 2022

LES CHANTIERS : UNE MORT SANS CEREMONIE NI FAIRE-PART

 

MARS 2022

Saint Tropez est avide d’inaugurations sujettes à de belles photos et d’élans d’autosatisfaction, également de cérémonies commémorations laïques ou religieuses formant le socle de son avenir. Pour autant une institution tropézienne ferme doucement ces portes au début de cette année, sans un hommage sans remerciement pour service rendus sans éloge funèbre. Peut-être parce que cette mort, dans l’idée de ceux qui ne l’ont pas empêchée n’intéresse personne, pas empêchée mais bel et bien programmée puisque qu’inscrite de façon technocratique dans un document d’urbanisme. 

On parle donc bien du meurtre prémédité ou non des chantiers navals de SAINT-TROPEZ  dont la grue qui trônait encore sur le quai, bien que sous employée, vient d’être escamotée. Dernier vestige d’une activité vieille de bientôt trois siècles et dont l’âge d’or s’est épanoui au XIX e jusqu’au début du XXe soit contemporaine à l’essor de SAINT-TROPEZ.

 




UN BREF HISTORIQUE

Au cours du XXE siècle s’est opéré à ST TROPEZ un de ses plus grands chamboulements de destinée, qui n’ont pas manqué au cours de sa longue histoire.

Il est inutile ici de rappeler les mutations urbaines et économiques qui ont mené une cité consacrée grâce à ses ports au commerce, et à la pêche à un pôle de rassemblement des  plus beaux yatchs et plus beaux voiliers et a des commerces de détail de plus en plus luxueux.

Pour autant dans l’enceinte du vieux port survit un chantier maritime  qui, le temps passant, tendent à devenir un anachronisme, tant cette activité est de nos jours reléguée dans des zones dédiées artisanales ou industrielles loin des cœur de ville.
Ci-contre un important deux mats au radoub sur les chantiers vers 1900.

En effet les hangars côtoient les lieux de rendez-vous les plus huppés et les plus recherchés par la jet-set mondiale, et leur parvis doivent être franchis par la quasi-totalité des visiteurs  ayant laissé leur autos sur le vaste parking du port.

Cette configuration serait intolérable pour toute autre résidents que les tropéziens si leur mémoire n’était pas marquée par la présence de cette activité dans leur paysage, depuis des siècles, déjà la grève dédiée à la construction navale au carénage et aux réparations avait été menacée de disparaître lors d’un projet d’aménagement le 6 juin 1734, que la municipalité a abandonné sous la pression des capitaines et patrons des bâtiments de mer (L PAVLIDIS LES CHANTIERS NAVALS DE ST TROPEZ AU XIX e SIECLE).

Par la suite la mémoire populaire tropézienne s’est cristallisée autour des chantiers grâce aux peintres GRANETS – PEGURIER -  SECONZAC-PONSON etc… et même le cinéaste VADIM qui place l’intrigue dans une entreprise familiale dédiée à la construction navale en plein cœur de ville.

Non seulement les chantiers marquent de leur présence la mémoire des tropéziens mais sont l’objet d’une grande fierté pour eux tellement la production de bâtiment était importante tant en nombre qu’en taille, Laurent PAVLIDIS rapporte que 65 bricks et 15 trois mats ont été construit entre 1815 et 1854 sans compter les unités plus modestes représentant un tonnage moyen de près de 150 tonneaux. (Tonneau : volume intérieur soit plus de 400 m3 par bâtiment)

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Avec les cales pavées aménagée en 1842 dont une grande partie est conservée, l’activité des chantiers PASCAL VILLANOVA sont les témoignages concrets de ce qui a fait SAINT-TROPEZ. Car autour de ces activités de réparations et de construction s’est tissé un tissu social et économique, le port d’eau profonde a permis au fur-et-a mesure de la création de quais l’activité commerciale autour du vin du liège et de la pêche, les constructeurs armateurs ont construits les hôtels particuliers et beaux immeubles de la« Bourgade » 
                                                                                

et de la Place des Lices, leurs enfants avec ceux des plus humbles pêcheurs, lesteurs ou matelots, se sont instruit à l’école d’hydrographie pour devenir les futurs capitaines au commerce ou de la marine de guerre.

Ne pourrait-t-on pas en conclure que les chantiers navals sont l’âme de cette FILLE DE LA MER ?

LA SITUATION ACTUELLE

Les chantiers situés 8 quai de l’Epi sont constitués par les bâtiments, accès, quais, soit environ 3000 m2,  sont concédée par la ville par contrat précaire. La CNB VILLANOVA était le dernier exploitant  pour des activités de vente, réparation, assistance technique, manutention,  service d’hivernage des bateaux, boutique de prêt-à-porter, shipchandler.

L’activité purement artisanale et de manutention est entravée par la présence, de fait, d’un accès au parking du port, à la capitainerie et aux évènements périodiques installés sur l’esplanade du parking du port,  par le quai Hyppolite BOUCHARD et quai de l’Epi.

Ce carambolage entre une activité dite « dure », et pas sans risque du fait de certaine manutention lourde et d’utilisation ou épandage accidentel de produits chimique ou hydrocarbure, et, un cheminement d’agrément, n’a semble-t-il pas posé de problème aux usagers et autorités qui laissent cette équation sans solution, même provisoire, au risque de la voir s’envenimer  à l’occasion d’un évènement fortuit. Ceci poser est-ce par simple laxisme ou calcul ?

Pour autant l’autorité municipale semble avoir scellé le sort des chantiers de Saint-Tropez de façon très discrète dans  PLU approuvé le 08 juillet 2021 qui  stipule que les chantiers sont visés

Dans la   zone AUP portuaire règlementant l’évolution des constructions existantes et l’ouverture à l’urbanisation nécessitera une modification du PLU. Néanmoins ce règlement y interdit à titre privé : Industrie, entrepôt et bureaux tout ce qui est nécessaire à une activité de chantier maritime  d’une part.

Et par l’Orientation d’Aménagement 1 (OAP 1) orientant les bâtiments des chantiers vers une « requalification urbaine », et en les désignant vaguement dans un très court paragraphe  comme « activité maritime destinée à être relocalisée »,  d’autre part.

Concernant cet espace bordant le port et englobant la capitainerie, le terme relocalisation porte à interrogation ? Relocalisation dans la même zone comprise entre le pilon et le port ? Ailleurs ? Dans quelles conditions ?

Le PLU à l’instar de son document structurant qui est son rapport de présentation qui ne distingue pas l’activité des chantiers des autres activités économique,  reste donc très discret, sinon muet, sur l’avenir des chantiers.

QUEL AVENIR ?

Le PLU est le seul support de la  volonté de la municipalité concernant les chantiers, on ne trouve rien dans les programmes électoraux, les principaux intéressés restent très discret à ce sujet. Le devenir de cet espace  ultrasensible de par l’attrait de sa situation privilégiée, de sa position stratégique entre les stationnements terrestre et maritime, de la palette des innombrables activités possibles, est devenu un sujet « tabou », ce qui lui confère toute les propriétés d’une bombe à retardement.

Pourtant il suffit d’observer les rapports entre la ville et les activités maritimes surmédiatisées pour qu’émerge les pistes de solutions.

En ces journées des « Voiles » se rencontrent à St Tropez de grands patrons, industriels, financiers, skippers reconnus, journalistes, quelques semaines auparavant le circuit SAIL GP , plus tard ce sera les « Vieux gréements » On ne peut que se réjouir de cet attrait mondial et que Saint-Tropez en soit le centre.

Pour autant, sans trop manier la dérision, on peut dire que le golfe de Saint-Tropez ne serait en fait qu’un terrain de jeu pour les  magnifiques unités sportives, ou d’agrément qui s’y côtoient mais qui sont conçus, fabriquées et développées dans d’autres lieu. Il en est ainsi pour les hommes qui les conçoivent et les pilotes, ils y viennent tous mais ont été formés sous d’autres cieux.

L’univers maritime est constellé d’activités, et de domaines tellement divers qu’il serait bien étonnant qu’une de celle-ci puisse exploiter les 3000 m2 des chantiers soit en recherche à but sportif ou d’agrément, le développement de prototype moteur électrique  ou voile, dans le secteur de restauration des bateaux de collection, ou encore une  école de skipper ou d’architecte et ingénieurs navals, en visant naturellement la pointe de ses secteurs dont les acteurs serait justement attiré par ce lieu magique et valorisant.

Ainsi Saint Tropez aura grâce à sa diversité dans le secteur maritime, retrouvé tout au cours de l’année le son rayonnement de Fille de la mer.

Je remercie mon ami Laurent PAVLIDIS qui a autorisé quelques ponctions dans son livre (L PAVLIDIS LES CHANTIERS NAVALS DE ST TROPEZ AU XIX e SIECLE).