lundi 15 août 2016

AOUT 1944 SAINT-TROPEZ SOUS LES BOMBARDEMENTS



                                       
Le premier article de ce blog nous avait été offert par François COPPOLA, et traitait de la vie des tropéziens sous l'occupation. En effet quoi de mieux pour ouvrir une publication consacrées aux "Vies" de Saint-Tropez. En ce jour d'anniversaire de la libération de notre village François nous communique une suite.  Comme  "l'Oncle Paul" dont les "belles histoires" ont ravis certains d'entre-nous, notre "Oncle François" les  raconte mais après les avoir vécu!

Bombardier des Forces Françaises Libres au-dessus de la côte provençale.

Dans le courant de l’année 1943, les tropéziens étaient habitués à de nombreux survols de la presqu’ile par des centaines de bombardiers alliés qui arrivaient d’Italie par le sud de la France pour atteindre leurs objectifs : Toulon et sa base navale, ainsi que les  lignes ferroviaires entre Marseille et Cannes. Mais il ne s’agissait que d’alertes où chacun se mettait à l’abri par précaution dans des caves préparées à cet effet. Saint-Tropez n’était pas encore un objectif majeur.

Un mur de défense à Saint-Rapahël
Depuis la fin de l’année 1943, des ouvrages de fortifications avaient été établis le long du littoral par les services du génie des troupes allemandes. Elles occupaient Saint-Tropez depuis que l’Italie avait demandé l’armistice aux alliés. Le «mur de la méditerranée» n’était pas aussi complètement fortifié comme l’était le «mur de l’atlantique». Mais de nombreuses casemates, nids de mitrailleuses et blockhaus étaient disposés pour pouvoir repousser à la mer des assaillants le long des plages parsemées de mines.

Radar à Agay


A Saint-Tropez, les principaux ouvrages de défense du golfe se trouvaient disséminés sur les hauteurs du cap Saint-Pierre. Là où se trouve la fameuse réalisation immobilière des «Parcs de Saint-Tropez». Le quartier général des troupes de terre de ce secteur était établi au château Borelli. Les hommes qui composaient le gros de cet effectif militaire étaient originaires de Bakou en Azerbaïdjan. Anciens soldats de l’armée rouge faits prisonniers et par la suite encadrés militairement par des officiers allemands.



Sur le port de Saint-Tropez, la kommandantur se trouvait dans l’immeuble du crédit lyonnais sur lequel flottait en façade le drapeau hitlérien avec sa grande croix gammée.
A droite l'ex hôtel Continental (à la place de l'immeuble du Crédit Lyonnais) réquisitionné par la Kommandantur à gauche le Café de Paris spolié par  Kriegmarine quelques jours après le débarquement.
La kriegmarine cantonnait dans les grandes salles des établissements du port comme le café de Paris et l’ancien bar-tabac du port qui avait été complétement évacué. Les quais étaient souvent occupés par des petites unités de chalutiers armés de canons anti-aériens où lors du passage de péniches fluviales réquisitionnées par l’occupant pour assurer le ravitaillement des troupes allemandes de l’Afrika-corps du célèbre maréchal Rommel.

Mur de béton barrant la rue Victor Laugier
L’accès du port et des quais était obstrué par d’imposants murs de béton dont le principal était établi entre la poissonnerie et le bar du Gorille. Un autre fermait complétement l’accès à la place de la mairie à la hauteur du château Suffren. Le  dernier se trouvait dans le quartier du musée de l’annonciade qui était à l’époque la sortie du port par la Croix de fer. On ne pouvait entrer ou sortir de ce bastion portuaire que par la rue Allard où n’avaient accès que la garnison et les possesseurs de laisser-passer (Les pêcheurs et le personnel des chantiers). Le passage par la rue Clémenceau depuis la rue Allard pour aller place des Lices était réduit à un mètre de large par le mur de béton.

Toutes les maisons situées sur les quais du port avaient été évacuées et les fenêtres murées par des briques. L’ensemble de ces façades tant admirées en temps de paix constituaient alors un imposant mur de protection militarisé.
Le plus important blockhaus se trouvait à l’extrémité est de la plage de la Bouillabaisse pour en empêcher l’accès par mer ou couvrir de son puissant canon le fond du golfe.
Blockhaus à St Aygulf
Dès le début du mois d’aout, après de nombreux vols de reconnaissance et de prises de vues aériennes, les bombardements alliés commencèrent sur les ouvrages fortifiés situés hors du village. Les plus lourds furent ciblés au cap Saint-Pierre où les batteries étaient les plus nombreuses et les plus dangereuses. Les avions volaient à basse altitude pour être plus efficaces. Les explosions d’impacts faisaient s’élever de hauts nuages de terre jusqu’à en masquer le soleil. Les dégâts et les victimes furent importants et rendirent plus tard cette artillerie inefficace le jour du débarquement.


Le dimanche 12 aout, les avions de l’escadrille du 42ème groupe US de bombardements lourds arrivèrent vers midi, ayant survolé Camarat et la chapelle de Sainte Anne, se dirigèrent vers le quartier ouest du village et lâchèrent  leurs bombes de 250 kilos. Ils avaient comme objectif le puissant blockhaus de la plage de la Bouillabaisse. Mais, mal engagés dans leur approche du but, toutes les bombes tombèrent à la mer, le long du littoral. Cela dans le secteur de l’actuel club-house de la société nautique, maintenant devenu le parking du port à la suite du comblement, après la guerre, du site maritime d’origine. L’objectif ne fut donc pas malheureusement pas détruit. Les vitres mais les portes de garages situés derrière la vieille gendarmerie furent soufflées, mais aucune maison ne fut atteinte.
Dans la nuit du 14 au 15 aout, bien avant le lever du jour, quelques avions égarés lâchèrent prématurément et par erreur, sur le territoire tropézien, les effectifs d’une centaine de parachutistes
d’une partie  de la 509EME section d’infanterie des Etats Unis d’Amérique. Leurs objectifs étaient le quartier général allemand de Draguignan et les lignes de communication de la principale route nationale et la ligne de chemin de fer situés au Muy, cela trente kilomètres plus au nord de Saint-Tropez.
De gauche à droite sgt Robert B. Bensley, 1st Lt Arthur W Odham 1st Gilbert Knupp et Lt John H Sorrells tous de la 509e (matin du jour "J" 1stabtf.com)
Prévenu, le commandement allemand réagit et fit informer la population de quitter leurs maisons parce-que que les installations portuaires, minées au préalable, allaient être dynamitées. Puis les éléments de la marine allemande quittèrent le bastion du port pour se replier à la Citadelle.


De D à G  Lt. Mike O’Brien - Lt. Raymond (Ray) F. Ruyffe - Sgt. Joe Veteritto, Capt Jess Walls
 Lt. Orval “Spider” W. Webb, Lt. Mike Rueter tous de la 509e photographiés en octobre 1944 au col du Turini
Casques GI retrouvés à Saint-Tropez (collection Benoît Senne)
Aidés et renseignés par la résistance locale, les parachutistes américains investirent  l’est du village et préparèrent l’assaut de la Citadelle (A l'initiative du cdt Jess WALLS à la tête des paras égarés jugeant qu'il ne pouvait plus atteindre le Muy lieu de sa DZ). Pour cela, et ne disposant pas de pièces d’artillerie lourde, ils demandèrent par radio à une section restée sur la colline de Bellevue, située au-dessus de la Belle- Isnarde, de tirer des obus de mortiers pour obtenir sous sommation la reddition de la Citadelle.     Mais ceux-ci ne firent que des dégâts collatéraux, endommageant même le monument aux morts du cimetière marin et le vieux lavoir de la vieille ville. C’est alors que fut demandée l’intervention des bombardiers de l’aviation navale.  Trois appareils surgirent alors et attaquèrent l’objectif en piqué. Les bombes tombèrent entre le cimetière et le mur de la Citadelle, situé au-dessus de celui-ci. L’une d’elle, déviée par le faite du mur du cimetière n’éclata pas et resta longtemps à terre, couchée sur le chemin menant à la plage de Granier, avant d’être désamorcée. On peut encore voir les trous d’impacts de ces bombes sur le versant nord de la Citadelle, en alignement du monument aux morts qui ne fut heureusement pas atteint.
Résistants lors de la cérémonie du 16/8 place des Lices

L’impressionnante démonstration de force incita la garnison à se rendre après une résistance inutile mais honorable qui fit malheureusement des victimes de part et d’autre, dont le résistant Guy Ringrave, tombé au champ d’honneur. Le blockhaus de la plage de la Bouillabaisse cessa le combat après l’arrivée en renfort des chars d’assaut américains débarqué à la page de Pampelone. Mais le résistant tropézien Paul Roussel fut tué pendant l’assaut.
Les premières journées mémorables de la libération de Saint-Tropez furent malheureusement endeuillées à la suite d’une attaque aérienne par l’aviation allemande dans la soirée du 16 aout. Des bombes à fragmentation furent lâchées sur les bateaux de l’armada alliée au mouillage dans le golfe et sur l’est du village . Elles firent de nombreuses victimes rue Gambetta (dont les pavés conservent la marque des impacts au niveau du palais de justice) et place des lices. Les blessés furent soignés au vieil hôpital et au couvent des platanes où les sœurs se mutèrent en infirmières. Les blessés américains furent accueillis place Carnot, sous une grande tente verte signalant son rôle d’hôpital de campagne par une grande croix rouge dans un cercle blanc.
FW 190 type d'appareils responsables de l'attaque du  16/8
Pendant ce temps, le golfe était devenu un immense port par le rassemblement de bateaux de tous types. Cuirassés, croiseurs, torpilleurs, destroyers d’escorte et dragueurs de mines protégeaient les barges de débarquement, les cargos de transports de troupes qui déversaient hommes, matériel et ravitaillement sur les plages devenues légendaires. Tous ces bateaux possédaient un gros ballon gonflable relié par un câble qui servait d’obstacle en cas d’attaques aériennes en piqué.
Un cargo  américain Liberty-ship, le « Edward H Palmer » mouillait devant le port de Saint-Tropez. Il était chargé de sacs de farine destinée aux populations libérées. Ce sont des tropéziens qui firent fonction de dockers pour transférer le chargement des cales du bateau au port.
Impacts du bombardement du 15/08
L’ancienne usine des câbles servit d’entrepôt de sacs de farine en attendant la progression des libérateurs en terre de Provence.  Soixante-onze ans après, il faut rappeler ces bombardements et demander aux autorités responsables de faire vérifier les lieux d’impacts situés à côté du club-house de la société nautique et des pentes de la Citadelle. Il est possible que certaines bombes n’aient pas explosées, enfoncées dans un sol meuble où dans un champ de posidonies maintenant recouvert par le grand parking du port. Cela afin d’éviter des explosions meurtrières si des travaux devraient être entrepris sur ces lieux, notamment pour creuser des fondations ou créer un parking souterrain.

Il faut savoir que l’état a vendu fort cher la vieille Citadelle à la ville et n’a pas au préalable fait procéder à une dépollution du site alors que cela est nécessaire et obligatoire sur les lieux militaires ?  Devant le nombre de manifestations et de visiteurs où spectateurs qui accèdent au musée ou garnissent les gradins de notre Citadelle, ne serait-il pas encore possible de s’assurer que cette obligation soit enfin respectée.
Le 23 juin 2015
François Coppola  Maire-adjoint honoraire de Saint Tropez 

De nombreux sites ont fournis les illustrations, on les remercie.







http://3eregimentchasseursafrique.blogspot.fr/2010_03_01_archive.html

(8) Operation Dragoon and the 'Champagne Campaign'


 Les documents INA ont été tirés des archives cinématographique présent sur son site.

On remercie Claude GRITTI pour ces précieuses informations trouvées dans son livre "Le temps de l'occupation au coeur des Maures"