dimanche 12 juin 2016

LES BONNES FORTUNES DE JEAN-JOSEPH-GEOFFROY D’ANTRECHAUS.



Tribulations bretonnes de ce baron d’empire qui devint maire de Saint – Tropez  et pour qui les paroles de la chanson « Dans les prisons de Nantes » auraient pu être écrites.

Blason de JG d'Antrechaus
toulonnais né en 1765, tropézien d’adoption aurait pu à plusieurs titres figurer dans le corpus  du livre de Fernand Jean BEN au chapitre NOTES BIOGRAPHIQUES.

On peut trouver l’explication de cet oubli dans les différentes  orthographes du nom apparaissant  ça et là : soit  avec un « E » et un « S » final, comme dans la liste des  maires,  dans d’autres  documents orthographié ANTRECHAUX, ou même encore ENTRECHAUX.  Ces variations ainsi que des mentions de prénoms différents[1] ayant pu dérouter  historiens et érudits.
Signature du Maire de St Tropez

De nos jours la magie du WEB et la rapidité des autoroutes de l’information nous permettent  de raccommoder  les parcelles d’une une vie bien remplie sous des noms apparemment différents.

Dans ce mémoire on reprendra simplement  l’orthographe qu’a choisie l’intéressé  qui signait en 1811  D’ANTRECHAUS.

Les victimes de la peste à Marseille huile de M Serre XVIIIe
Les bonnes fortunes du Baron commenceront dès 1721,  année où la Providence préserva son père Jean-Charles, qui venait de naître[2], de  la terrible épidémie de peste qui  causa la mort de 120 000 personnes  en Provence cette année là, dont 13 000 toulonnais parmi lesquels 9 membres de sa famille. Son grand-père Jean GEOFFROY D’ANTRECHAUS, était à ce moment là Maire Consul de Toulon, son dévouement durant cette période est demeuré légendaire et lui valut 1.000 livres de pension sur le trésor royal en 1723. Les villes de TOULON et de LORGUES célèbrent sa mémoire en nommant une rue et  une place à son nom. [3]

Le jeune Jean-Joseph adopta la carrière d’officier de marine comme le fut son père et de nombreux membres de sa famille.

Fidèle à l’ancien régime il se retrouva émigré en Angleterre dès le début de la révolution. Volontaire du régiment d’HECTOR,  composé en entier d’officiers de marine,  il fit partie de la première division de l’expédition de QUIBERON, commandée par M DE PUISAYE.  Ce corps expéditionnaire fort d’un millier d’hommes s’embarqua à  LYMINGTON  en juin 1795 pour la Bretagne qu’il atteignit à CARNAC le 27 juin  où il fut dans un premier temps accueilli en libérateur.

Cette vague destinée à soulever l’ouest de la France contre la  convention, fut stoppé  net à cause d’un mauvais choix stratégique de son  chef.  La troupe retranchée dans la presqu’ile de QUIBERON dû se rendre au général Lazare HOCHE, qui fit preuve d’une grande mansuétude vis-à-vis de la  majeure  partie des chouans qui furent libérés ou seulement emprisonnés , mais il ne put empêcher l’exécution de 748 prisonniers émigrés[4].
D’ANTRECHAUS, DE CHAUMAREIX[5], DE SAINT GEORGES, DE BOISSIE, DU BROUEXIC DE LA DRIENNAIS et   WALTSER  furent les seuls rescapés. Leur aventure est relatée par Jean-Joseph lui-même dans un opuscule datant de 1824 dont la vente devait aider à l’érection d’un monument en mémoire des fusillés de QUIBERON. [6]
Les relations les plus rapides  racontent que D’ANTRECHAUS fut sauvé par la fille du geôlier de la prison de VANNES. Cette simplification venant  en écho  à la célèbre chanson devait séduire  leur auteur [7]! 
Or notre héros nous livre une autre version plus complexe où toutefois les bretonnes jouent un grand rôle : Dans un premier temps, lors des interrogatoires, il se fait passer pour le serviteur de l’émigré qui porte son nom,  ce stratagème lui fait gagner du temps dans la sombre période entre le 1er et le 25 août où par grappes les prisonniers  sont exécutés tous les jours.  Condamné malgré tout, il fait partie des derniers qui attendent leur exécution,  mais  ceux-ci  arrivent à créer des liens amicaux avec les personnes chargées  d’organiser  l’intendance de ce nombre inhabituel de captifs dans  une prison de province, les femmes du  pays, le geôlier breton, sa fille qui s'intéresse à WALTSER et qui le fera intégré in extrémis au groupe d'évadés, et enfin  quelques gardes qui se laisseront facilement corrompre.
Il livre d’ailleurs le nom de celle à qui il doit sa  libération définitive, Madame DE LENNEVOS :
Le nom et le titre de Baron relient bien l'Evadé au Maire
  « A notre arrivée à Londres, M PITT, à qui nous racontâmes ce beau trait, donna ordre en Bretagne à un digne Prêtre de rembourser cette somme. Madame de LENNEVOS répondit qu’elle y était tout-a fait étrangère. Voilà la charité chrétienne ! La main gauche ne sait pas ce que donne la droite. »
Peu avant, lors de la capitulation des troupes émigrées, D’ANTRECHAUS est témoin d’une scène qui le marquera certainement à vie, il s’agit du suicide collectif par noyade  de civils bretons :
 « Cette scène, quand je me la représente encore après trente ans, me cause une horreur que je ne puis exprimer ; pendant bien longtemps elle m’a poursuivi, et, au moment ou j’écris, je pourrais peindre les traits de la plupart de ceux que j’ai vu périr. Une jeune fille de dix huit ans au plus, nue en chemise, belle, je crois, s’il est possible de placer ce mot ici, était déjà entrée dans l’eau ; je veux la retenir, je ne puis en obtenir ni un mot, ni un regard. »
Par la suite, D’ANTRECHAUS ne fut pas opposé à l’empire, puisqu’il reprit sa carrière d’officier de marine et ses services lui valurent d’être fait Chevalier de la Légion d’Honneur et Baron d’Empire le 26 avril 1811. Période durant laquelle on le trouve Maire de SAINT-TROPEZ, ville qui l’adopta, et ce fut peut-être la troisième de ses bonnes fortunes,  grâce à l’alliance qu’il contracta le 6 juin 1804 avec Françoise Marie Charlotte Eugénie MARTIN DE ROQUEBRUNE[8].



Elu député du Var en 1820 jusqu’en 1822 époque où   un biographe parlementaire peu charitable, disait de lui : « Nous avons été presque au moment de ne pas voir figurer M. d'Antrechaux dans la Chambre de nos représentants, car il est atteint d'une certaine paresse d'esprit, et il lui paraissait fort difficile, lors de sa nomination, d'accorder les devoirs austères d'un mandataire du peuple avec le charme de ce doux farniente qui fait ses délices. »[9]
Il s’éteignit  le 28 octobre 1830 à l’âge de 65 ans à SAINTE –ANASTASIE-SUR –ISSOLE  où,  dit-on,  il avait fait  le plus de bien possible autour de lui.[10]  [11]
La  rencontre avec cette famille légendaire trouve une signification particulière et  toute personnelle en constatant qu’un frère (ou cousin germain) de cet atypique  maire de SAINT-TROPEZ, prénommé Louis-Toussaint épousa  le 2 août 1787 à SISTERON une Marie  Eléonore DE ROUX DE LARIC,  fille de François,  Seigneur D’ENTREPIERRES. [12]



[1] Entre autres Jean-Jacques (Panthéon de la Légion d’Honneur T. LAMARTHIERE).
[2] Né en 1720 + le 10 août 1770  Toulon. Commissaire de Marine. (Source Alain POMET-BAGUR site GENEANET)
[3] Sources : Armorial de la vile de Toulon Octave TEISSIER – Histoire de Toulon G. LAMBERT – La peste de 1720 GAFFARET DURANTY.
[4] HOCHE aurait  promis verbalement que les émigrés seraient traités en prisonniers de guerre, or TALLIEN commissaire de la convention les mis en accusation. (WIKIPEDIA)
[5] Futur malheureux responsable du naufrage le la MEDUSE.
[6] Ce livre est disponible sur le net, édition LIVRES DU PATRIMOINE
[7] Entre autres T.LAMARTHIERE dans son Panthéon de la Légion d’Honneur.
[8] Source Henri DE DIANOUS site GENEANET Il y eu au moins deux  fils : Jean Baptiste-Louis-Charles né le 7 octobre 1806 à SAINT-TROPEZ, autorisé par le roi Charles X (Bulletin des Lois Ordonnance du 18 juillet 1827 )« à servir SM le Roi de Sardaigne sans perdre la qualité de Français » et Félix Joseph Henri né à BESSE-SUR-ISSOLE (83) le 16 avril 1824 + à POURCIEUX (83) le 12 août 1894 (Source Henri DE DIANOUS site GENEANET)
[9] Source et photos: vendeur du document pseudo ebay:  keskonmange
[10] Source Panthéon de la Légion d’Honneur T. LAMARTHIERE.
[11] STE-ANASTSIE-SUR-ISSOLE est semble-t-il le berceau de la famille D’ANTRECHAUS. (GENEANET)
[12] Source « Fraternelle » DE MONTVALLON site GENEANET

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