samedi 30 juillet 2016

DEUX AVENTURIERES A SAINT-TROPEZ



Les aventurières des mers ne manquent pas de nos jours. Rendons hommage à Florence ARTHAUD, Maud FONTENOY, Ellen MC ARTHUR et bien d'autres encore, mais il y a un siècle elles étaient plus rares elles se lancaient dans l'aventure plus par amour que par goût du sport, et parmi-elles des tropéziennes:

ANTOINETTE RIO CONDROYER
Conséquence du malheureux évènement du mois de mai 2011 ayant touché la maison familiale, les boîtes à souvenirs  et les archives enfouies ça et la ont été exhumées et inventoriées pour être mises à l’abri lors des travaux de rénovation.
Parmi elle une photographie sans légende représentant une jeune femme à bord d’un voilier marchand de la fin du XIXe siècle. Le tirage est en trop bon état pour être un original, il peut provenir d’un agrandissement tardif de la plaque ou d’une photographie prise à partir d’une épreuve plus ancienne.


A première vue la femme  n'est pas en visite à bord, son habillement laisse penser qu'elle est dans une activité quotidienne plutôt qu'en représentation,  ce qui est confirmé par l'absence d'autre personnage. Je pense donc à une épouse de capitaine au long-cours qui accompagnait son mari lors d’un de ses voyages.
J’ai ma petite idée sur la provenance de ce document qui se confirme après avoir ravivé la mémoire des plus anciens d’entre-nous et en particulier Laurent PAVLIDIS  (Conservateur du musée de la citadelle et président du Patrimoine Tropézien)* qui a longuement travaillé sur les cap-horniers provençaux.
Voici donc sur le vif prête à voguer au-delà des caps, cette aventurière qui a la fin de sa vie on appelait Madame RIO, du nom de son deuxième mari un capitaine breton, elle  habitait un petit appartement sur le port de Saint-Tropez au-dessus de «L’Escale » où dans les années 60 les membres de ma famille lui rendaient des visites lors desquelles elle racontait des épisodes les plus intenses de ses voyages vers les îles du Pacifique.
Pour elle les tempêtes  du Horn n’étaient pas qu’une légende, témoin ce voyage où l’équipage s’y est repris 7 à 8 fois afin de le passer, ou cette autre fois, dans la tourmente, où son premier mari le capitaine JEAN CONDROYER, s’étant assuré qu’il ne pouvait plus rien faire de mieux pour  la sécurité du navire et complètement épuisé est allé se coucher en lui disant, « Surveille le baromètre, s’il descend encore laisse moi dormir, tu ne me réveilleras que s’il remonte ! »
Naviguer dans ces conditions devait être naturel pour cette provençale  dont le frère était aussi capitaine au long cours, et qui ne pouvait se marier qu’avec des marins. Le navire que l’on voit sur la photo, nous dit Laurent Pavlidis est la « Suzanne »  trois-mâts à coque métallique construit en 1900 aux chantiers du Grand Quévilly  sur lequel elle a fait son voyage de noce entre la France et la Nouvelle Calédonie pour transporter du nitrate, puis elle  fit huit tours du monde en six ans avec  Jean Condroyer qui en mourut d’épuisement.
 Elle  termina sa vie en voyageant par la pensée avec les dernières tartanes, et les pointus sous voiles qui remontaient le môle et viraient le phare pour venir s’abriter sous sa fenêtre.
La Suzanne




Nous trouvons dans une publication pour passionnés (Le Courrier du Cap -  Saint-Malo 1966)  et rapporté par le capitaine au long cours Paul CERISOLA de Saint-Tropez l'information selon laquelle Madame RIO était certainement la femme ayant passé le plus grand nombre de fois le cap Horn, et qui était toujours vivante à cette époque.

Madame RIO dans les années 1960 dans son appartement.

 PrécisionS de Laurent PAVLIDIS au sujet du capitaine CONDROYER 
Condroyer, Jean Tropez Antoine. Saint-Tropez 1875 - Saint-Tropez 1911. Condroyer obtient son brevet de capitaine au long cours en mai 1900. Il embarque comme second sur le voilier cap-hornier Notre-Dame de la Garde appartenant à la Société des voiliers marseillais la même année. Il se rend à Thio en Nouvelle-Calédonie pour charger du Nickel. Le retour au Havre en avril 1901 se passe mal, le navire coule à quai après avoir touché des hauts-fonds. Condroyer entre ensuite chez Brown et Corblet du Havre, maison qui lui confie le commandement du trois-mâts cap-hornier Suzanne. De juin 1901 à avril 1907, il effectue huit voyages vers la Nouvelle-Calédonie. Après ces huit tours du monde en six ans, il rejoint Saint-Tropez, s’inscrit à la pêche, se repose avant d’effectuer une campagne au cabotage sur l’Henri Renée du 1er juillet au 12 août 1908. Fin 1908, Condroyer embarque de nouveau sur la Suzanne. Il effectue un neuvième voyage. Peu après l’embarquement pour un dixième voyage, il tombe malade, débarqué il rejoint Saint-Tropez. Il décède dans sa maison le 23 janvier 1911 après plus de deux ans de maladie. Il avait 35 ans. La maison Brown et Corblet autorisait les épouses de capitaines à embarquer. C’est ainsi que son épouse Antoinette (née LIONS ) en 1880 à Saint-Tropez accompagna son mari durant ses huit voyages, le premier étant son voyage de noce ! 

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MARIE RIBE
Une autre épouse de marin au caractère bien trempé  peut être évoquée dans cette chronique, il s’agit de Marie Joséphine NALLET née dans l’Isère à VINAY et dont on dit  que jeune fille elle  s’est coupé les cheveux et faite enrôlée dans un équipage pour suivre à son insu un lieutenant de la marchande qui lui plaisait un peu trop.   Démasquée elle fut débarquée  dans le premier port. 
L’affaire n’en resta pas là puisqu’en définitive elle épousa son midship à Marseille en août 1907.
Avec son époux Henri Joseph RIBE capitaine au long cours et tropézien elle était l’ancienne propriétaire de notre maison de la rue Allard.
*(Article d'août 2011)

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