LA TRADITION QUI TIENT LE "CAP".
Tous les lundis de pâques le conseil municipal de Saint-Tropez nomme un « Capitaine de Ville » pour toute une année de traditions tropéziennes,
nous lui souhaitons ainsi qu’à son état-major de bien belles bravades.
Cette institution a été ratifiée par la lettre patente de Charles IX le 8
novembre 1564 lors d’une des plus extraordinaires campagnes de communication politique
de l’histoire à l’initiative de Catherine de Médicis : « Le Grand
Tour de France », que le pouvoir royal en quête de reconnaissance, organisera
à travers toutes les provinces du royaume.
Charles IX à l'époque du Grand Tour de France par François Clouet. |
C’est au deuxième jour de son escale à Marseille après avoir visité Toulon et traversé Hyères que le
jeune roi de 14 ans confirmera enfin aux
tropéziens, l'instauration d'une charge déjà ancienne de
6 années, remontant, si on s’en réfère aux
archives municipales, au 24 juin 1558, où
Honorat COSTE était nommé capitaine de ville par l’assemblée communale, sur la proposition du Consul.
Rien
d’étonnant que la régence en pleine opération de séduction satisfasse
aux préoccupations des édiles et officialise ainsi
une décision locale qui pourrait-être encore plus ancienne, comme nous
le rappelle l'historien et conservateur du musée de la citadelle Laurent
PAVLIDIS.
Cette officialisation n'a pas été du goût du seigneur du lieu Pierre de RENAULT qui y voyait une atteinte à ses prérogatives et adresse une protestation en 1573 au conseil municipal...(Cdt J ROSATI Saint Tropez à travers les siècles p 197).
C'est donc bien les habitants de la cité seuls, qui en ont forgé le particularisme que cette institution nous parvient presqu'intacte.
Cette officialisation n'a pas été du goût du seigneur du lieu Pierre de RENAULT qui y voyait une atteinte à ses prérogatives et adresse une protestation en 1573 au conseil municipal...(Cdt J ROSATI Saint Tropez à travers les siècles p 197).
C'est donc bien les habitants de la cité seuls, qui en ont forgé le particularisme que cette institution nous parvient presqu'intacte.
La périodicité
annuelle de la fonction : On y voit la volonté des Consuls de la
cité de rester maîtres du jeu, et de ne pas se retrouver un beau jour confronté à un « putsch »
des capitaines ou à une dangereuse dynastie. Pourtant cette précaution démocratiquement
louable, avait sans doute la fâcheuse contrepartie
de voir remplacer un chef aguerri par une personnalité ayant de belles
qualités
humaines réunissant les suffrages mais moins compétente militairement.
En tout état de cause cela démontre une belle santé démographique et le
dynamisme de la cité pour se permettre de remplacer chaque année un
personnage d’une si haute importance stratégique.
La démarche
élective : Si les documents les plus anciens ne nous renseignent
pas sur les procédures et tractations occultes devant aboutir à l’élection
officiellement proclamée dans les registres des délibérations, les écrits postérieurs
dévoilent tout de même le souci de mettre à la tête de la phalange un
personnage issu du consensus populaire, même si ces témoignages ne
concernent que la période d’honorariat de la charge, ils puisent certainement
leur origine dans des coutumes antérieures :
Par H MAQUAN (Sous les oliviers de Provence 1861) « … Suivant l’ancienne coutume, le Capitaine
de Ville festine chaque année avec le corps des mousquetaires, le lendemain de
la bravade.
Le dîner des
mousquetaires a lieu dans un des hôtels de la ville.- A la fin du repas les
toasts commencent et on propose « inter pocula[1] »
le capitaine de l’année suivante.- Mais cette désignation n’est pas une
élection, on y procède chaque année le lundi de Pâques. – Le capitaine élu est
appelé séance tenante au sein du conseil, le maire lui communique le résultat
de la délibération, il descend ensuite sur la porte de l’hôtel de ville et le
proclame, le peuple répond par des vivats, et le corps des mousquetaires par
une violente décharge… »
Les attributs :
Registre des délibérations du conseil communal du 1er Janvier 1761 « … il a été délibéré que l’épée que la
communauté donne ordinairement au capitaine de ville, ne lui sera donnée à l’avenir
que lorsque ce même capitaine marchera le jour de la fête de Saint Tropez à la
tête de la bravade et festinera le dit jour les mousquetaires qui marcheront à
sa suite, et venant à manquer à quelqu’une des conditions cy-dessus, ce même
capitaine n’aura aucune épée, mais seulement cinquante livre pour ses
honoraires, suivant l’ancien règlement… ».
Laurent PAVLIDIS nous rappelle également qu'à cette époque la fonction avait perdu de sa substance et devenait honorifique, la "Royale" en effet depuis Colbert défend les côte méditerranéenne et permets donc nos Capitaines " terrestres" de revenir à leur compétence première: le commandement au long cours pour faire "la caravane" au levant (G BUTI .Saint-Tropez : cité corsaire et patrie de Suffren)
Laurent PAVLIDIS nous rappelle également qu'à cette époque la fonction avait perdu de sa substance et devenait honorifique, la "Royale" en effet depuis Colbert défend les côte méditerranéenne et permets donc nos Capitaines " terrestres" de revenir à leur compétence première: le commandement au long cours pour faire "la caravane" au levant (G BUTI .Saint-Tropez : cité corsaire et patrie de Suffren)
Encyclopédie de Diderot et d'Alembert |
L’instrument emblématique de la fonction est tout d’abord
la pique , appelé aussi esponton, il est l’attribut
du
commandement des officiers proches de la troupe pendant tout l’ancien
régime, C’est un signal de ralliement, porté haut, comme une
canne de tambour major, il sert à transmettre des ordres silencieux aux
éléments de la troupe les plus éloignés, horizontalement il règle les
alignements, corrige une attitude, ordonne le feu etc…
Le salut du Capitaine de Ville serait donc l’héritage du
« Salut à l’esponton » que Denis DIDEROT a décrit dans son Encyclopédie
(Ordonnance du 14 mai 1754), cette tradition ayant disparue avec la révolution
et les nouveaux règlements consulaires et de l’empire.
Un salut vers 1850 (Oustaou de la Bravado) |
Cette résurgence du passé se superposant aux éléments
d’équipements et d’uniformes d’un autre âge constitue une strate supplémentaire
du millefeuille culturel dont se nourrit la commémoration annuelle de la
bravade pour en faire un évènement unique et inimitable.
La pique utilisée possède un fer en forme de feuille et son manche est muni d’un sabot métallique à l’autre extrémité, elle
est semble-il, inspirée de la demi-pique
ou espontons des officiers d’infanterie en cours dans l’armée française
jusqu’en 1755. Alors qu'il n'existe pas de pique de commandement dans la
marine, l'utilisation de cette arme couplée avec un l'uniforme de marin
démontre bien l'imbriquement des fonctions du commandement terrestre
(la pique) vers le commandement maritime (l'uniforme).
"Demy pique" de commandement (dessin C Aries). Très proche de la pique actuelle du C.V de Saint-Tropez. |
Epée d'officier de marine modèle 1902 |
Reste l’épée, dont l’attribution est devenue traditionnelle
après quelque fluctuation temporelle. Nous ne connaissons pas le modèle de l’épée donnée au 18e siècle aux capitaines tropéziens respectueux des traditions, mais qui devait
être, comme la pique, issue des armes en dotation dans l’infanterie[2].
Celle qui a été remise au capitaine de ville lors d’un toast
porté en son honneur, est en concordance avec l’uniforme d’officier de marine
que revêtiront les membres de l’état-major, une épée règlementaire modèle 1902,
toujours en service actuellement dans la marine, fourbie par la maison
CHEVALIER D’AUVERGNE gravée à son nom et portant la mention « AD USQUE
FIDELIS »
La date de la
nomination. La première délibération connue porte la date du 21
juin, ensuite les dates sont variables mais très souvent l’élection du
capitaine de ville porte la date du 1er
janvier (1664 – 1683 – 1761). Cette période hivernale est somme-toute logique,
en effet cette saison est peu propice aux actions militaires, les attaques
maritimes devaient porter à coup sûr, une tempête ou une mauvaise mer
contrariaient les plans d’attaque. La cité profitait de cette accalmie
militaire pour s’organiser
stratégiquement.
Le lundi de Pâque n’apparaît dans les écrits que plus tard,
l’évènement qui n’est plus que symbolique devait être accompagné de manifestations festives qui requerraient de
meilleurs hospices météorologiques qu’en janvier, mais devaient se dérouler tout
de même avant les fêtes votives et les commémorations situées au printemps et en été. L’octave de pâques[3]
chômé , puis réduit par Napoléon 1er au seul lundi devenait alors opportun.
Nous remercions Laurent PAVLIDIS pour son éclairage, le Cépoun Serge ASTESAN pour sa condescendance et G BUTI pour ses recherches mise à la disposition de chacun sur internet:
[1]
Expression latine « inter pocula silent negotia »: Entre les verres
les affaires se taisent.
[2] Il
existe une pique de marine, mais sans connotation de commandement et d’un
dessin bien différent.
[3] Période
de huit jours après Pâques consacrée aux offices religieux quotidiens et traditionnellement
chômée.
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