OU LES EXTRAORDINAIRES FESTIVITES DU 4 AVRIL 1866 A SAINT TROPEZ.
En ce jour d’anniversaire de l’inauguration en grande pompe de la statue du Bailli de Suffren. Retour sur une mystification éditoriale bien dans la manière l'auteur de "Vingt ans après"
Une revue de presse et tous les détails d'une journée organisée à grand frais par le pouvoir impérial et où tout était prévu pour marquer durablement les esprits ...
Le commandant J ROSATI
nous rappelle que déjà, à la fin du XXVIIIe siècle, la municipalité
tropézienne avait souhaité faire une collecte pour financer la réalisation d’un
buste de marbre de l’enfant adoptif du pays. Ce à quoi Suffren répondit :
Le vice-amiral Pierre André de Suffren |
Le 4 avril 1866 l’inauguration a eu lieu, sans que la date
rappelle quoique ce soit de la vie de l’amiral, elle a donc été choisie par
convenance entre les participants parmi lesquels une brochette de vice-amiral dont l’aide de
camp de l’Empereur, et l’on sait, depuis la lecture de son « dictionnaire
de la cuisine » (Voir l’article de ce blog LE ROMANCIER, L’AMIRAL, LE PAON
ET LE COCHONNET), dans lequel il nous
racontait avec gourmandise sa rencontre avec les habitants de la Garde Freinet
et d’un Paon, que l’écrivain Alexandre
DUMAS père était bien présent ce
jour-là.
Les articles de
presse.
Nulle-part on ne trouve trace d’une quelconque relation de l’évènement par l’auteur
des Trois Mousquetaires. Les rédacteurs des deux seuls articles recensés dans la presse
parisienne signent des initiales GB dans le journal l’Illustration et Georges BELL dans le
Monde Illustré.
Pourtant de nombreux historiens, dont Gilbert BUTI, nous apprennent qu’Alexandre DUMAS a bien été
l’auteur d’au moins un de ces articles.
La présentation assez alambiquée en chapeau
d’article du Monde Illustré fait s'interroger les curieux : «Nous empruntons à la Presse un fragment de l’article
qui doit accompagner notre dessin de la fête de Saint-Tropez, il a été écrit
sur nature par M. Georges Bell, l’un des représentants de la presse à cette
solennité. » Et comme si l'article était une retranscription, le texte apparaît entre guillemets, bien que nous ne trouvions pas de trace d'un article complet signé George Bell dans une troisième "Presse".
On note que les deux seuls articles connus font preuve d’une belle qualité littéraire et d’une
certaine liberté d’esprit qui ne pouvait être le fruit du travail d’obscurs
correspondants.
Pour les amateurs, nous les retranscrivons in extenso en fin de page .
Toutefois il convient de signaler qu'un article très complet de "L'Almanach de Provence" signé d'Alexandre GAIDON est parut en 1867 soit un an après l'évènement.
Afin d'éclaircir l'énigme des signatures, il faut se replonger dans le monde, pas toujours très tendre, de la presse et de la littérature à Paris dans le
milieu du XIXe siècle. Avec dans la bonne tradition des romans feuilletons de
ce siècle : des bons, et des méchants:
Les amis : La rédaction du Monde Illustré.
Nous retrouverons le
nom d’Alexandre DUMAS ainsi que celui de
son fils tout le long des éditions de cet hebdomadaire consacré à la
géopolitique, il en a été l’un des collaborateurs dès le premier
numéro en 1857 au moment même où le génial écrivain, mais piètre commerçant,
mettait la clé sous la porte de son quotidien « LE
MOUSQUETAIRE ».
Or un de ses compagnons dans cette dernière aventure éditoriale trop tôt avortée n’est pas moins que Joachim
HOUNAU (1824-1889), dont un des
pseudonymes est Georges BELL.
G.B ou J HOUNAU PAR NADAR |
Comment croire que le
biographe de Gérard de Nerval qui
a écrit plus de 50 articles dans le
journal de son ami se dépêche de le
doubler dans un pays perdu du sud de la
France pour lui brûler la politesse afin de réaliser un scoop de 60 lignes ? Il est plus raisonnable de penser que la
rédaction du Monde Illustré est bien au
fait du futur voyage en Italie d’Alexandre DUMAS et que l’inauguration tombe à
pic pour agrémenter ce périple. Mais pourquoi ne pas écrire franchement que le
maître est présent à l’évènement, et faire passer le fidèle collaborateur comme
envoyé spécial ?
Les ennemis : Les BASCHET de L’Illustration
Pour « illustrer » ce sous-titre rien ne vaut que
de retranscrire les premiers mots de l’article annonçant la mort de l’écrivain parût dans cet hebdomadaire par Henri LAVOIX dans une édition de janvier 1871 en forme de lettre à son directeur du moment
Auguste MARC « Cher ami, Je sais que L’illustration, absorbée tout entière par
les grands faits politiques qui nous entraînent ne s’occupe guère des petits
évènements. Cependant je vous demande un service : quelques lignes
seulement pour un homme qui, pendant un demi-siècle, a rempli le monde du bruit
de son nom… » Cette supplique quelque peu sarcastique prend une
signification particulière en pleine défense de Paris, alors que l’Illustration
venait de reparaître après un an de suspension,
mais cela donne tout de même le ton d’une bisbille qui perdura depuis
1847 quand DUMAS se fit étriller dans les colonnes de l’hebdomadaire par un
critique littéraire. Connaissant le personnage, nul doute qu’il ne daigna,
collaborer avec la famille BASCHET (fondateur du journal), surtout qu’il
n’était pas en peine de trouver un organe pour sa plume parmi ses amis ou de le
forger lui-même.
Le hasard ou la nécessité de plaire au pouvoir impérial a voulu que l'Illustration s’intéresse à une inauguration de
province. Partant, ce n’était pas possible, ni par principe ni par
amour-propre, pour le romancier et pour la
rédaction de signer A DUMAS. Un anonymat complet aurait été incompréhensible pour une telle occasion. On fait donc appel à un, prête nom, ou prête initiales: Georges BELL qui signe l’article du Monde Illustré, le rédige
peut-être à partir d’un texte que son ami lui a envoyé et en communique un autre au journal concurrent sous de simples initiales pour que les lecteurs des deux journaux qui paraissent le même jour, l' identifient comme seul envoyé
spécial.
Les piges valaient certainement ce stratagème!
On profitera de cet exposé pour éclairer quelques énigmes de
moindres importances émaillant cet épisode déjà très anecdotique en lui-même.
L’iconographie
L'arrière plan tel qu'il l'était en 1866 et la barrière d'origine. |
Or le concurrent n’a pas perdu de temps, il publie sa
gravure le même jour que le texte, le 14, et s’en enorgueilli, comme s’il
connaissait à l’avance le faux pas de L’Illustration « Nous prions les
lecteurs de remarquer l'activité que nous déployons ; ce dessin, reçu le
lundi à midi, a été dessiné et gravé en quarante-huit heures, et a pu être mis
sous presse jeudi matin » et toc! Il prend même la peine de remercier
le dessinateur qui a croqué sur le vif la cérémonie et de s'excuser de n' avoir pas retenus l’œuvre d'un autre peintre.
Rapprochons nous de ces gravures :
Celle du Monde Illustré : Esquissée par ROSTAN sur place, et dessinée à Paris par Jules FERAT 1829 - 1906 (Travailleur
infatigable, contributeur régulier à L'Illustration
et à L'Univers illustré, illustrateur de Jules VERNES, son œuvre compte plusieurs milliers de dessins, nous dit Wikipédia) et
gravée par E ROEVENS (très connu pour ses gravures autour de la famille Impériale).
CP circa 1900 prise dans le même angle que la gravure imprimée dans le M.I, le cadre représente les bords du dessin de ROSTAN. |
Gravure de ROUSSEAU 1872 |
La vue paraissant une semaine plus tard dans l’illustration
est prise plus serrée, le dessinateur sur le vif est Pierre LETUAIRE (1798
-1885), peintre provençal bien connu à Toulon , le dessin repris à Paris est de Pharamond
BLANCHARD (1805 -1873) plus fantaisiste que celui de ROMAN, il
manque un étage à l’immeuble de droite
et le socle de la statue est situé au bord du quai, les arcs de triomphes sont plus modestes, les marins des canots ne tirent plus, ils agitent leur chapeaux. La tribune a été escamotée, on se perd donc en
conjectures sur la réalité de la représentation, on peut dire néanmoins que
l’ambiance est tout de même bien rendue. La gravure est due aux associés COSSON
et SMEETON. Toujours des graveurs très connus sur la place de Paris.
l’Illustration se paie le luxe de surplomber la vue d’ensemble par une gravure en gros plan de la statue, dessin non
signé qu’il convient de mettre en parallèle avec une gravure de ROUSSEAU
d’après photo parue en 1872 ci contre.
La statue.
L’auteur du « Collier de la Reine » toujours avide
de précision nous indique que la statue est bien en bronze, mais que
contrairement à certains écrits, qui perdurent encore de nos jours, elle n’a
pas été coulée avec le bronze de canons pris à l’ennemi et offert par
l’empereur, mais avec des débris recueillis dans l’arsenal de Toulon. Quoi qu’il en soit on
ne peut nier, que même modeste, le cadeau venait de l'état, donc de l’empereur.
Buste de JF ALLARD (V.TUBY) dont l'original a été fondu.. |
Le romancier/journaliste nous parle des créateurs de l’œuvre, qu’il
félicite du bout des lèvres : MONTAGNE sculpteur toulonnais (dont, en vain, nous avons cherché la
biographie et d’autres œuvres) et le fondeur MAUREL de Marseille (spécialiste
du coulage des cloches).
Nous ajoutons pour être complet une énumération toute
personnelle sur l’évolution des œuvres basses de la statue pendant ces 150 ans :
Plaque d’anniversaire des 200 ans, et la nouvelle grille. |
Une 5e
plaque a été apposée sur le stylobate le 17 juillet 1929 à l’occasion du 200e
anniversaire de sa naissance.
Le socle de la statue sans sa herse protectrice en 1945 |
Hormis cet accessoire l’amiral
semble avoir, ce jour là, sans trop de dommage, résisté au souffle de l’explosion. .
La vie de Suffren .
La vie du bailli est
retracée, plus longuement dans l’Illustration que dans le Monde Illustré. On
note les références historiques d’un auteur érudit, connaissances qui ne
pourront que faire plaisir au chercheur et historien Gilbert BUTI qui souhaite remettre à l’honneur
l’activité de caravanes maritimes des tropéziens et provençaux trop souvent
oublié, puisque l'auteur de l'article note que « C'est un petit port qui a eu jadis ses jours de grande prospérité, lorsque sur
toute cette côte on armait pour allait courir les caravanes du Levant. »
Les deux textes se complètent assez bien sur l’ambiance, le
décor et le décorum. Le village n’est pas épargné, il est, pour l'auteur (A Dumas) tout simplement inintéressant! Il réserve son enthousiasme pour les alentours, du côté de la mer.
"La brave population rurale" est venue de toute part se mêler aux grands
uniformes, mais sans aucun débordement, ce n’a pas été le cas pour certains
convives du banquet officiel, certainement d’une autre couche sociale, et sans
doute plus politisée, qui n’a pu s’empêcher à quelque laisser-aller, effet de
"quelque démangeaison de la langue" propres aux provençaux, nous dit il!
Les personnalités présentes.
Jurien de la Gravière à l'époque. |
Le vice-amiral Edmond JURIEN DE LA GRAVIERE (1812-1892) représentant l'empereur, dont il est l'aide de camp est sans nul doute l'organisateur principal de cette journée. Tombé dans l'oubli, outre un marin hors pair, c'est un savant et un écrivain, auteur de très nombreux livres et publications, il a été chef d'état major de l'amiral BRUAT lors de la guerre de Crimée. Il termine sa carrière comme chef de l'escadre de Méditerranée.
Le vice-amiral Octave CHABANNE CURTON LA PALICE (1803-1889) Préfet maritime du Var à l'époque, ancien gouverneur de Cayenne, il fut élu sénateur de 1867 à 1870.
Amiral Edouard BOUET-WILLAUMEZ (1808 - 1871) Commandant de l'escadre de Méditerranée, marin et explorateur du Sénégal, élu sénateur dès 1865.
Et bien d'autres encore....
Ce que ne rapporte pas l'envoyé spécial.
Ni, Georges BELL, ni GB, ni évidement A DUMAS ne parlent d'un évènement qui s'est déroulé lors de cette commémoration, seul GAIDON en parle un an plus tard dans l'Almanach de Provence: Il s'agit d'une présentation de la fée électricité et son application pour l'éclairage public (voir l'affiche d'information d'époque "La ville le port et la rade seront éclairés par la lumière électrique"). Or des confusions se sont opérées chez les tropéziens, qui ont pensé que cet évènement correspondait à l'électrification du village, mais celle-ci a eu lieu des dizaines d'années plus tard, ou bien que l'expérience avait été menée avec un générateur à moteur, du type dynamo ou groupe électrogène alors que le premier modèle ne date que de 1871 où le Belge Zénobe GRAMME[1] fait construire une machine entraînée par un moteur à vapeur, dont on peut dire qu’elle est la première à pouvoir produire industriellement de l’électricité. On assiste donc a une vaste opération de communication propre à édifier le public telle que l'éclairage de fontaines réalisée à Paris l'année d'avant. Comment a t-on pu en 1866 éclairer la ville? Un navire, avec certainement une pile VOLTA à son bord a accosté dans le port, à l'aide de câble, les techniciens de la "Royale" ont alimenté une ou plusieurs lampes à arc des inventeurs Léon FOUCAULT, (celui du pendule) ou SERRIN. Bien avant l'éclairage public qui ne sera développé que vingt ans après, les Tropéziens ont pu découvrir ces nuits là cette merveille qui allait révolutionner leur vie plus tard, grâce à des circonstances favorables : La présence d'un port pour y faire venir facilement une pile électrique lourde et encombrante, une foule qui ne manquerait pas d'investir la cité, la présence de personnels et de moyens importants fournis par la marine de guerre, et enfin un aréopage de sommités représentant le pouvoir impérial qui allait en recueillir les fruits politiques.
Efforts semble-t-il restés vains en ce qui concerne le retentissement de cet évènement dans la presse nationale, puis-qu’aucun des deux textes n'en font mention, ni même du feu d'artifice et de la simulation d'attaque de la citadelle par les troupe française.
[1] Le principe de la production de courant induit (dynamo) était connu à l'époque depuis FARADAY, mais ne servait qu'à des expériences scientifiques ou a des thérapeutes-charlatans (machines de Hippolyte PIXII et de CLARKE). Elles n'étaient pas suffisamment puissantes pour servir une lampe à arc.
:
Nous remercions l’aide apportée par M Serge ASTEZAN, M François COPPOLA et M Laurent PAVLIDIS , ainsi que le sites que nous avons largement utilisés:
Le vice-amiral Octave CHABANNE CURTON LA PALICE (1803-1889) Préfet maritime du Var à l'époque, ancien gouverneur de Cayenne, il fut élu sénateur de 1867 à 1870.
Amiral Edouard BOUET-WILLAUMEZ (1808 - 1871) Commandant de l'escadre de Méditerranée, marin et explorateur du Sénégal, élu sénateur dès 1865.
Et bien d'autres encore....
Lampe à arc mise au point en 1857 |
Ni, Georges BELL, ni GB, ni évidement A DUMAS ne parlent d'un évènement qui s'est déroulé lors de cette commémoration, seul GAIDON en parle un an plus tard dans l'Almanach de Provence: Il s'agit d'une présentation de la fée électricité et son application pour l'éclairage public (voir l'affiche d'information d'époque "La ville le port et la rade seront éclairés par la lumière électrique"). Or des confusions se sont opérées chez les tropéziens, qui ont pensé que cet évènement correspondait à l'électrification du village, mais celle-ci a eu lieu des dizaines d'années plus tard, ou bien que l'expérience avait été menée avec un générateur à moteur, du type dynamo ou groupe électrogène alors que le premier modèle ne date que de 1871 où le Belge Zénobe GRAMME[1] fait construire une machine entraînée par un moteur à vapeur, dont on peut dire qu’elle est la première à pouvoir produire industriellement de l’électricité. On assiste donc a une vaste opération de communication propre à édifier le public telle que l'éclairage de fontaines réalisée à Paris l'année d'avant. Comment a t-on pu en 1866 éclairer la ville? Un navire, avec certainement une pile VOLTA à son bord a accosté dans le port, à l'aide de câble, les techniciens de la "Royale" ont alimenté une ou plusieurs lampes à arc des inventeurs Léon FOUCAULT, (celui du pendule) ou SERRIN. Bien avant l'éclairage public qui ne sera développé que vingt ans après, les Tropéziens ont pu découvrir ces nuits là cette merveille qui allait révolutionner leur vie plus tard, grâce à des circonstances favorables : La présence d'un port pour y faire venir facilement une pile électrique lourde et encombrante, une foule qui ne manquerait pas d'investir la cité, la présence de personnels et de moyens importants fournis par la marine de guerre, et enfin un aréopage de sommités représentant le pouvoir impérial qui allait en recueillir les fruits politiques.
Efforts semble-t-il restés vains en ce qui concerne le retentissement de cet évènement dans la presse nationale, puis-qu’aucun des deux textes n'en font mention, ni même du feu d'artifice et de la simulation d'attaque de la citadelle par les troupe française.
[1] Le principe de la production de courant induit (dynamo) était connu à l'époque depuis FARADAY, mais ne servait qu'à des expériences scientifiques ou a des thérapeutes-charlatans (machines de Hippolyte PIXII et de CLARKE). Elles n'étaient pas suffisamment puissantes pour servir une lampe à arc.
Affiche de l'époque aimablement communiquée par Serge ASTEZAN. On y trouve le déroulement de la manifestation telle qu'elle a été prévue avec toutes les animations |
:
Nous remercions l’aide apportée par M Serge ASTEZAN, M François COPPOLA et M Laurent PAVLIDIS , ainsi que le sites que nous avons largement utilisés:
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32818319d/date
(Le Monde Illustré)
http://revue.lillustration.com/index.php?subpage=home&pid=263#
(L’Illustration – payant)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Dumas
(Alexandre DUMAS)
http://alexandredumas.org/Corpus/Auteurs?ID=27
(Georges BELL)
http://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2007-2-page-99.htm (Christel
SNITER)
http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/article-bup.php?ID_fiche=11370
(JP CARON les premiers pas de l'éclairage électrique)
http://dossiersmarine.free.fr/fs_f_F4.html (Gravures des cuirassés)
http://lesviesde-saint-tropez.blogspot.fr/2015/04/le-romancier-lamiral-et-le-paon.html
(CURTI, précédent article)
(Site Arnet annonce de la vente du panthéon de F TOURNACHON dit NADAR)
Ainsi que le journal "LE TROPEZIEN" qui nous a mis sur la piste de ce dessin.
Ainsi que le journal "LE TROPEZIEN" qui nous a mis sur la piste de ce dessin.
ANNEXE: Retranscriptions des articles de presse.
LE MONDE ILLUSTRE (14
AVRIL 1866)
Inauguration de la Statue De Suffren à Saint-Tropez (Var)
ACTUALITÉ
Nous
empruntons à la Presse un fragment de l’article qui doit accompagner notre
dessin de la fête de Saint-Tropez, il a été écrit sur nature par M. Georges
Bell, l’un des représentants de la presse à cette solennité.
« Le
bailli de Suffren-Saint-Tropez est une des grandes figures historiques de la
fin du dernier siècle. Nous n’énumèrerons pas les combats qu’il a livrés aux
Anglais, soit dans les îles du Cap Vert, soit dans les mers de l’Inde, lorsque
leur puissance n’avait pas encore vaincu, assujetti et dépouillé tous les
princes indigènes. Ces détails appartiennent à la biographie. Pour l’écrire convenablement,
il faudrait à la fois connaître et les spécialités de l’ancienne tactique
navale, et les constitutions de l’Inde au temps d’Hyder-Ali et de Tippoo-Saïb.
Ces connaissances ne s’improvisent pas. Mais de tous ces faits, il résulte que,
certes, la statue qu’on vient d’ériger à Saint-Tropez a été bien méritée.
Elle est
l’œuvre de M Montagne, artiste toulonnais auquel il ne manque que quelques
encouragements pour grandir et donner tout ce qu’il a dans la tête et dans le
cœur. Elle a été fondue à Marseille dans les ateliers de M Maurel. Ces deux enfants
de la Provence ont tenu à grand honneur de contribuer, chacun pour leur part, à
l’exécution du monument. Une portion du bronze a été donnée par l’Etat, non
point comme on l’a dit et imprimé, avec des canons pris à l’ennemi, mais avec
des débris ramassés à l’arsenal de Toulon.
« La
fête de d’inauguration a été fort belle. Le vice-amiral Jurien de la Gravière y
représentait l’Empereur. A côté de lui marchaient M.Chabannes-Curton, vice-amiral
et préfet maritime de l’arrondissement, qui commande l’escadre cuirassée de la Méditerranée,
M Montois, préfet du Var, et M. Alban-Martin de Roquebrune, qui faisait les
honneurs de la ville dont il est maire. Ce dernier a été nommé chevalier de la
Légion d’honneur au moment où le voile enlevé a permis à la foule d’admirer les
traits du bailli de Suffren.
Elle était
nombreuse cette foule. Elle était accourue de tous les points de la côte, de Toulon et de
Saint-Raphaël, d'Antibes, de Fréjus, de Nice, de tous les villages
environnants, de toutes les localités à quarante kilomètres à la ronde ; de Cogolin
[sic], de La Roche-Freinet, du
Luc, du Canet, de Carnoules, de Vidauban, de Pignans, de Cuers, d'Agay, de
Gonfaron, d'Hyères.
Elle se
pressait compacte sur la petite place qui est devant le port, et au centre de
laquelle s'élève le monument. C'était en majorité de braves populations rurales ; mais on remarquait
partout cette intelligence et cette habitude de la pensée que donne partout
l'éternel spectacle de la mer
Elle
heurtait sans cesse les personnages officiels, dans des rues étroites et
tortueuses peu faites pour de grands concours de populations.
Mais nulle part il n'y a eu l'ombre d'un désordre.
Mais nulle part il n'y a eu l'ombre d'un désordre.
Nous remercions M
ROSTAN qui nous a adressé le croquis de cette fête. Deux excellents envois ,
arrivé par le courrier du Mardi, et à nous adressés par M DECOREIS (Pierre,
peintre Provençal reconnu[2]) dont
nous constatons le talent le dévouement n’ont pas pu trouver place dans le
Monde Illustré.
Nous prions
les lecteurs de remarquer l'activité que nous déployons ; ce dessin, reçu
le lundi à midi, a été dessiné et gravé en quarante-huit heures, et a pu être
mis sous presse jeudi matin ».
GEORGES BELL
[2] Note du transcripteur
SUFFREN et le pacha TYPOO-SAÏB (Le Pélerin juillet 1929) |
L’ILLUSTRATION (14 AVRIL 1866)
INAUGURATION de la STATUE DE SUFFREN A SAINT-TROPEZ (VAR)
La France
pittoresque n'est pas connue, a-t-on dit bien souvent.
Une fête nationale nous a permis de visiter un des coins les plus ignorés de nos côtes de Provence, et nous revenons enchantés de ce voyage. Saint-Tropez occupe la pointe extrême d'un promontoire qui s'avance dans la Méditerranée, entre la baie de Carqueiranne près d'Hyères et le golfe de Saint-Raphaël, et la baie d'Agay à quelques kilomètres de Cannes.
C'est un petit port qui a eu jadis ses jours de grande prospérité, lorsque sur toute cette côte on armait pour allait courir les caravanes du Levant. Alors le commerce ne se faisait pas, comme aujourd’hui, à jour fixe. Beyrouth, Smyrne, Alexandrie, étaient des pays lointain. On courait des risques pour s’y aventurer ; mais ces risques surmontés donnaient la vie à toutes les populations qui vivaient sur les côtes, et excitaient leur émulation. Aujourd’hui, un grand armement serait impossible à Saint-Tropez. C’est à peine si l’on y voit encore quelques chantiers de construction. Et encore devons-nous dire que ces chantiers diminuent chaque saison.
Une fête nationale nous a permis de visiter un des coins les plus ignorés de nos côtes de Provence, et nous revenons enchantés de ce voyage. Saint-Tropez occupe la pointe extrême d'un promontoire qui s'avance dans la Méditerranée, entre la baie de Carqueiranne près d'Hyères et le golfe de Saint-Raphaël, et la baie d'Agay à quelques kilomètres de Cannes.
C'est un petit port qui a eu jadis ses jours de grande prospérité, lorsque sur toute cette côte on armait pour allait courir les caravanes du Levant. Alors le commerce ne se faisait pas, comme aujourd’hui, à jour fixe. Beyrouth, Smyrne, Alexandrie, étaient des pays lointain. On courait des risques pour s’y aventurer ; mais ces risques surmontés donnaient la vie à toutes les populations qui vivaient sur les côtes, et excitaient leur émulation. Aujourd’hui, un grand armement serait impossible à Saint-Tropez. C’est à peine si l’on y voit encore quelques chantiers de construction. Et encore devons-nous dire que ces chantiers diminuent chaque saison.
La ville en
soi n'a rien de remarquable. Pas un monument, pas une maison qui puisse retenir et faire rêver quelques
instants l'artiste et le curieux. pour avoir des réjouissances de ce genre, il faut sortir de la ville et aller
du côté de la mer. Là on n'aura que l'embarras du choix.
De quelque côté que l'on se tourne, à chaque pas, les regards seront émerveillés et éblouis.
Plusieurs discours ont été prononcés.
De quelque côté que l'on se tourne, à chaque pas, les regards seront émerveillés et éblouis.
Plusieurs discours ont été prononcés.
Le bailli de
Suffren tenait par des liens de famille à Saint-Tropez. Il ajoutait même le nom
de la ville à son nom, et sur une colline du voisinage on voit les ruines d’une
habitation seigneuriale qui s’appelle encore aujourd’hui la Palissade Suffren.
C’est pour cela que la statue de cet homme héroïque est bien placée à
Saint-Tropez. Partout dans cette portion de la Provence, aussi bien à Saint
Cannat qu’à Aix ou à Salon, et dans tous les antiques châteaux de la contrée,
on trouve le nom et des souvenirs qui s’y rattachent. Mais il fallait les
grands horizons, la mer au hardi navigateur qui passa la majeure partie de la
vie sur un vaisseau, à lutter soit contre les éléments, soit contre les ennemis
de son pays.
Gravure l'Illustration 1866 |
C’est une
belle et noble figure que celle du bailli de Suffren. Quand on l’étudie, on
sent qu’il procède des héros de Fontenoy, mais que, s’il hait les Anglais d’une
haine si vivace, c’est parce qu’il voit en eux les dominateurs des mers et les
accaparateurs de colonies. Or, en Provence, les regards sont toujours tournés
vers l’Orient. Tout le monde va dans les Echelles du Levant ; mais tout le
monde aussi rêve de l’Inde. Dès 1778, nous voyons en Provence se former une
compagnie pour l’exploitation commerciale des mers de la Chine, Suffren en
était l’instigateur ; et pendant ce temps il livrait aux Anglais les
batailles de Madras, de Trinquemalé, de Goudelour, qui purent bien pendant
quelques années arrêter l’invasion
oppressive des marchands de Londres, mais qui ne parvenaient pas à inoculer
l’énergie et le courage dans les veines appauvries des princes indigènes. De
même qu’avec Dupleix et Labourdonnaye, la France avec Suffren apparut dans
l’Inde comme le plus brillant des météores, selon la belle expression de lord
Macaulay, le plus équitable des historiens. Mais comme un météore aussi, elle
disparut promptement, et bientôt ce ne fut plus qu’un nom perdu dans les
lointains vaporeux de l’histoire et de la légende.
La statue
qu’on vient d’inaugurer à Saint Tropez est l’œuvre de M Montagne, un sculpteur
Toulonnais. Vue de face, elle se présente bien, elle rend cette physionomie
fière, hautaine, dédaigneuse, grasse, que nous trouvons dans les médailles
frappées jadis en l’honneur du bailli de Suffren. On peut regretter que le
lourd manteau jeté sur les épaules semble avoir prédestiné cette œuvre d’art à
être placée contre un mur.
La fête a été pleine d’animation et d’entrain. Le préfet maritime de
l’arrondissement M. le vice-amiral de Chabannes-Curton avait, sur le Louis XIX
et avec l’escadrille dont il dispose, accompagné l’aide de camp de l’Empereur,
M le vice-amiral Jurien de ma Gravière. De son côté, M le vice-amiral Bouët –
Williaumez, qui touchait aux derniers jours de son commandement, n’avait point
voulu quitter l’escadre cuirassée sans lui faire faire un peu de fantaisia[3].
Jamais la rade de Saint Tropez n’avait vu autant de navires de guerre ;
jamais dans les rues on n’avait vu circuler autant de broderies, de galons,
d’épaulettes et de décorations. M Montois, préfet du Var, aidait le maire M
Alban Martin de Roquebrune, à faire les honneurs de la ville. Mais toutes les
splendeurs étaient du côté des officiers de l’escadre. Partout on aurait admiré
ces brillants états-majors ; à plus forte raison les admirait-on à
Saint-Tropez et devant la statue du bailli de Suffren. Plusieurs discours ont
été prononcés. On aurait pu s’en tenir à ceux de M. Jurien de la Gravière et du
maire de Saint-Tropez ; mais dans le midi, on a vu souvent des
démangeaisons à la langue.
On l'a bien vu au banquet officiel, où les toasts ont été fort nombreux, et au Cercle Suffren, où un punch a été le prétexte de bien des indiscrétions regrettables.
Oublions tout cela pour ne nous souvenir que de la cordialité qui a présidé à cette fête, depuis la première heure jusqu'à la dernière.
On l'a bien vu au banquet officiel, où les toasts ont été fort nombreux, et au Cercle Suffren, où un punch a été le prétexte de bien des indiscrétions regrettables.
Oublions tout cela pour ne nous souvenir que de la cordialité qui a présidé à cette fête, depuis la première heure jusqu'à la dernière.
Dans notre
prochain numéro nous donnerons les dessins qui n’ont pu trouver place dans
celui-ci
GB
.
[3] Fantasia :sorte de
bravade à cheval à laquelle se livre les cavaliers maghrébins en tirant en l’air
avec leurs moukhalas.
L’ALMANACH DE PROVENCE ( 1867)
(Les illustrations ne faisaient pas partie de l'article)
SOLFERINO |
COURONNE |
De là, ces dignitaires sont conduits à la maison du maire où leur logements ont été préparés. Aussitôt après les réceptions officielles, le cortège se rend au son de joyeuse fanfare sur le port tout pavoisé et orné de banderolles, où s'élève la statue du Bailli et où l'on remarque à chaque extrémité deux arcs de triomphe dédiés à la marine et à l'armée. Les matelots et une compagnie de jeunes enfants costumés en gardes française et tenant des couronnes d'or et de lauriers formant la haie.
GLOIRE |
Monsieur le vice-amiral JURIEN de la GRAVIERE qui préside la fête au nom de l'empereur, ouvre la cérémonie par un brillant discours dans lequel il retrace le glorieux passé de la marine française qui se personnifie dans l'illustre individualité du Bailli de Suffren, et remercie la ville de Saint-Tropez d'avoir acquitté une des dettes d'honneur de la France.
L'INVINCIBLE |
Comme aux combats de Trinquemalé et de Gondelour, l'amiral semblait encore commander le feu des batteries. En effet, au moment où le regard frappe Suffren, débarrassé du tissu de toile, paraît chercher une voile ennemie à l'horizon, l'artillerie et tous les navires présents salue les traits de celui qui fait illustration de Saint-Tropez et dont les hauts faits d'armes ont enrichi nos annales maritimes de quelques-une de leurs plus belles pages.
NORMANDIE |
Le maire de Saint-Tropez a alors remercié l'empereur au nom de sa ville, pour le concours qu'il a bien voulu donner à ces fêtes. Ensuit, Monsieur le préfet du var a lu une dépêche annonçant que Monsieur MARTIN de ROQUEBRUNE, maire de Saint-Tropez, était nommé Chevalier de la Légion d'Honneur. Enfin, Monsieur ORTOLON, Capitaine de Vaisseau, allié à la famille de Suffren, a prononcé une esquisse biographique du Bailli de Suffren.
PROVENCE |
"A quatre heure, les chaloupes à vapeur des bâtiments cuirassés, traînant cinq embarcations chacune, entrent dans le port où elles défilent en passant devant la statue et exécutent chacune trois salves de mousqueteries.
TRES RARE PHOTO DE 1867 DU TAUREAU ET SON ENVIRONNEMENT (CUIRASSE PRESENT LORS DE L'INAUGURATION) QUI ILLUSTRE PARFAITEMENT LA FLOTTE DE NAPOLEON III CE JOUR LA. |
A six heures, un grand dîner réunit chez Monsieur MARTIN de ROQUEBRUNE, les principales autorités civiles et militaires et maritimes. A neuf heures, un punch est offert par les membres du Cercle Suffren. Dans la soirée, un brillant feu d'artifice est tiré et tous les navires sont illuminés ainsi que la façade du port. Les rues, les places et les promenades étaient un luxe éblouissant de lumières.
Le lendemain à 10 heures, les embarcations de l'Escadre mettent à terre les compagnies de débarquement qui ont exécuté un simulacre de combat, dont le résultat a été la prise de la citadelle de Saint-Tropez.
Au retour de de ces exercices militaires, le défilé a lieu devant la statue de Suffren et chaque compagnie en portant les armes répètent les cris: Vive le Bailli de Suffren!
Dans l'après-midi, les régates ont lieu et à six heures un bal réunit chez Monsieur le maire plus de six cents personnes.
Environ près de vingt mille étrangers ont assisté aux fêtes de Saint-Tropez, dont la population gardera un profond souvenir et qui marqueront dans nos annales.
ALEXANDRE GUAIDON
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