La lecture des extraits des
délibérations des conseils municipaux et archives de Saint-Tropez démontre
l’importante contribution financière de générations de tropéziens pour la
construction et les aménagements du port. A son origine, l'abri naturel de
Saint-Tropez, bien abrité du vent d’Est avait été utilisé par les Grecs, puis
par les Romains.
Dans son livre « SAINT-TROPEZ à travers les siècles »,
le commandant JOSEPH ROSATI, attaché naval au Japon en 1940, puis conseiller
municipal de Saint-Tropez dans les années 1950-1960, rappelle les événements
qui ont illustré son histoire.
En 1470, Raphaël de Garezzio,
gentilhomme Génois, et Jean de Cossa, baron de Grimaud et grand sénéchal de
Provence signent l’acte de renaissance de Saint-Tropez. Les Génois entament la
reconstruction du village détruit par les barbaresques. Cent ans plus tard, en
1570, le conseil décide de construire un Môle protecteur de soixante dix toises
de long qui portera le nom de "Môle du Levant", par opposition au
"Môle du Ponant" qu'on érigera plus tard sur les rochers de Corbières
et de Casette, maintenant appelé quai de l’épi.
La direction de ces travaux avait été donnée à
Jean-François COSTE. Les dépenses afférentes avaient été couvertes avec les
taxes prélevées sur les pêcheurs, les corailleurs et les commerçants nombreux à
cette époque.
En 1572, le Roi Charles IX fera
un don de 100 livres sur la foraine, pendant neuf ans, pour permettre
l'achèvement du Môle du Levant qui absorbe chaque année des fonds de plus en
plus considérables. Chaque tour de défense du port aura coûté entre cinq cent
et mille livres.
Sur la pointe de Corbières, entre
la Chapelle de l’Annonciade et la Tour de Saint-Tropez, appelée aussi
Saint-Elme, deux constructions apparaissent dans la seconde moitié du XVIIe
siècle, la Salle du Jeu de Paume et le petit oratoire de Saint-Elme, gardien de
l'entrée coté ouest du port. Mais les travaux les plus importants entrepris au
Grand Siècle se rapportent à des installations portuaires nécessaires à son
développement.
En 1617, le Seigneur René de
Grasse fait l'abandon du terrain de sa basse-cour, qui allait jusqu'au rivage,
pour la construction d'un quai sur le rivage de la plage d’origine.
Vers 1623, à l’Ouest, on commence
à araser les têtes de rochers de Corbières, et de la Casette et on aplanit
l'extrémité du cap pour en faire le Môle du Ponant. En 1644, le Môle du Levant
est de nouveau prolongé. Tous ces travaux qui coûtent fort chers sont couverts
par "capage" et par des taxes extraordinaires prélevées sur les
bénéfices de l'armement maritime. Enfin en 1688, on entreprend le dragage du
port, que l'on veut creuser jusqu'à une profondeur minimum de dix pans (trois
mètres). Saint-Tropez a l'ambition de devenir un grand port. En 1649, devant
son importance, il est érigé en siège d'amirauté.
C'était justice, car malgré les
pirateries continuelles des Turcs et des Barbaresques d'Afrique, les Tropéziens
n'avaient cessé de faire flotter notre pavillon sur les mers pour assurer les
liaisons maritimes.
En 1691, la petite population du
village pouvait lever deux cents marins, y compris douze mousses, pour servir
les vaisseaux de la Marine Royale du Levant.
Les grands travaux portuaires
entrepris sous Colbert, sont poursuivis, sans relâche, au cours du XVllIème
siècle.
En 1713, le Môle du Levant est
prolongé à nouveau jusqu'au point appelé la "Dormillone" pour mieux
le protéger du Mistral. Le port prend la forme d'un vaste fer à cheval enserré
d'un côté par la jetée prenant assise à la tour du Portalet et de l'autre par
celle de la pointe de la chapelle de l’Annonciade. Etalés sur une quarantaine
d'années, ces travaux sont exécutés par Gaspard Ferrand, maître pierrier
d'Antibes, et Curet et Aguillon, entrepreneurs à l'Arsenal de Toulon.
En juin 1742, cinq galères
espagnoles qui s'étaient réfugiées dans le port, pourchassées par des vaisseaux
anglais, sont incendiées par ces derniers, et leurs carcasses coulées au fond.
Il faudra six ans d'effort pour renflouer les carènes à demi calcinées et redonner
à la darse la profondeur voulue pour recevoir les cent navires de la flotte
tropézienne. En 1766, les travaux portuaires pèsent tellement sur le budget de
la commune que le maire sollicite des autorités royales une aide financière.
Dans un rapport adressé à l'intendant général de Provence, le maire met
l’accent sur le fait que la province s'est toujours refusée à contribuer aux
150 000 livres dépensées depuis quarante ans pour le port, sous prétexte que
Saint-Tropez était terre adjacente. Il demande qu'en compensation des
sacrifices consentis par la ville, Saint-Tropez soit dédommagé des frais
antérieurs, enfin qu’il soit exempté de la capitalisation pendant dix ans, et
autorisé à faire un emprunt pour continuer les dragages. A la suite de cette
requête, une somme de 36000 livres fut accordée par le roi Louis XV pour la
liquidation des fournitures affectées au creusement de la darse et aux
réparations des quais.
PLAN DE SAINT-TROPEZ CIRCA 1700 |
A la veille de la Révolution de
1789, Saint-Tropez est classé comme port fortifié de Provence : le seul entre
Toulon à Antibes où les bâtiments du Roi et de ses sujets puissent se mettre à
couvert de l'ennemi et du mauvais temps. Quatre cent marins tropéziens courent
les mers sur les navires marchands, tandis qu'une centaine est embarquée sur les
unités de la flotte du Levant.
Le village, d'une population de 4.000
habitants, a alors pour seigneur Pierre Marie de Suffren, neveu du bailli. Elle
a cessé d'être Terre de Convention depuis 1645, pour devenir Terre adjacente.
Après le premier empire, en 1835,
de nouveaux travaux d'allongement du Môle du Levant en eaux profondes sont
entrepris. Les enrochements proviennent de la carrière des Moulins et sont
transportés par des petits wagonnets à bascule être déversés depuis la BATTERIE
jusqu'à une extrémité définie par l’implantation d’un phare rouge. Une
importante activité de chantiers de construction navale se développe au XIXe
siècle sur l’esplanade ouest du port. On y construisait nombre de voiliers de
combat et de commerce dont les fameuses tartanes qui assuraient les activités
de cabotage. L’implantation d’une école
d’hydrographie marque les besoins d’instruction en matière de navigation
maritime. L’été, les nombreux bateaux de pêche, pointus à voiles latines
animent le port de la « Pouncho ».
Le premier phare rouge de
Saint-Tropez est allumé en 1865. Il sera détruit pendant la guerre, le15 aout 1944,
dynamité le jour du débarquement de Provence. Tous les quais du port ont aussi
été détruits par l’occupant à l’aide d’explosifs pour les rendre inutilisables
aux Alliés A la suite des destructions la dernière guerre, la reconstruction
des quais et des immeubles voisins est laborieusement et heureusement entreprise
pour se terminer en 1950. Louis FABRE, maire pendant trois mandats et qui fut
capitaine au long cours dans la marine de commerce fait voter en 1963
l’agrandissement du port. Ainsi que le financement des études nécessaires par
les services des Ponts et Chaussées qui auront aussi la direction des travaux (délibération
du conseil municipal n°63/33). Le 6 octobre 1965 le conseil municipal décide
l'approbation de ce grand projet de travaux d'agrandissement du port. Son
financement est estimé alors à la somme de 8.000.000 francs. Prêts et emprunts
sont nécessaires et il faudra 30 ans pour les rembourser. Le nouveau bassin
aura une superficie de 4,75 hectares.
Les nouveaux quais auront une
longueur de 1539 mètres, non compris les musoirs des môles. Le mole Réveille
sera allongé de 212 mètres et la nouvelle digue Ouest du futur phare vert développera une longueur de 342 mètres sur 10
mètres de large. La construction des quais
fut réalisée avec des blocs béton de
ciment préfabriqués, sur place. Le mur abri de la grande jetée est arasé
à 4 mètres 15 de hauteur et celui du
nouveau bassin est à 3 mètres 25. Des
appontements furent disposés perpendiculairement aux quais du nouveau bassin
pour multiplier les postes d’amarrages sur une longueur de 482 mètres. Tous ces
travaux dureront quatre ans et nécessiteront des avenants financiers importants
dus à l'affaissement de certains ouvrages en mer, et d’un enrochement
complémentaire pour une meilleure protection au Mistral de l’entrée du port.
Il fallut par la suite adapter
les quais du vieux bassin et relever les pierres froides des quais pour y disposer
les réseaux d'eau et d'électricité modernes. En 1970, le petit abri du
Pilon est aménagé pour accueillir les bateaux de petit tirant d’eau des
plaisanciers tropéziens.
En 1971, le port de Saint-Tropez
était enfin mieux adapté pour l'époque à recevoir la plaisance maritime qui se
développait rapidement. Mais devant le dépassement important des dépenses, tous
les objectifs ne furent pas atteints. L’apport de nouveaux enrochements pour
conforter la vieille jetée exposée aux tempêtes de vent d’est ne fut plus
possible. Il était aussi prévu des bâtiments nécessaires à l’exploitation de
l’ensemble portuaire ainsi qu’une capitainerie. Les budgets de dépenses furent
dépassés et ces ouvrages ne furent réalisés que beaucoup plus tard. Le second
bassin portuaire ne fut jamais inauguré, la ville ayant été mise sous tutelle
par la préfecture. C’est ainsi que la capitainerie sera enfin inaugurée en 1993
et le phare rouge reconstruit à l’identique de son prédécesseur, le 31 décembre
2000 à minuit sous un grand feu d’artifice. Ce phare a une hauteur totale de
seize mètres.
Entre temps, en 1989, une grande
estacade avait été réalisée dans le secteur de la société nautique pour
recevoir les vedettes assurant les nombreuses liaisons maritimes avec les ports
voisins.
La promotion de la grande
plaisance marque le changement de siècle. La ville de Saint-Tropez décide en
1996 la réhabilitation complète des réseaux obsolètes du port pour répondre à
la demande de la clientèle.
La municipalité lance un grand
chantier (60 MF) pour réhabiliter les installations portuaires. Après la
restructuration des quais du vieux port, d'autres travaux sont programmés :
installations de caissons étanches sous les quais et bornes avec électricité,
eau potable, câble, satellite TV et centrale d'alarme. Cette gestion technique
centralisée permettra une prise en compte directe, efficace et adaptée à chaque
demande, tout en permettant de collecter, sous vide et traiter les eaux usées
des bateaux, une "première" française contre la pollution marine.
Des locaux semi-enterrés sont
réalisés dans la digue du môle Réveille pour améliorer les services portuaires
et loger enfin la Société Nationale de Sauvetage en Mer.
De grandes terrasses réalisées sur
la batterie, sur la prud’homie de pêche modernisée, et sur les nouveaux locaux
techniques, permettent ainsi la découverte du panorama du golfe et d'admirer
les façades multicolores du vieux port.
Pour terminer cette longue
énumération de travaux à travers les âges, il faut être satisfait de
l’importante opération en cours : le confortement des enrochements
protecteurs du môle Jean Réveille. Prévus en 1963, puis en 1995, ces travaux
nécessaires et spectaculaires sont enfin
engagés et menés à terme. 35.000 tonnes de blocs de roches sont transportés sur
le site par voie maritime. Le cout de l’opération sera de 2.800.000 Euros. Mais il reste toujours à construire une gare
maritime digne de la renommée de Saint-Tropez.
Depuis la mise à disposition des
ouvrages portuaires de l’Etat à la ville, en 1986, les recettes du port
alimentent le budget du port et le bénéfice permet la réalisation des travaux
sans qu’il n’en coute aux contribuables Tropéziens. Actuellement, grâce à la réhabilitation
des installations portuaires et à une gestion moderne, le budget du port gère
annuellement plus de huit millions d’Euros.
© François
Coppola
Mars 2010
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